Eléments

vendredi, novembre 29, 2013

♭ FiNishing Jubilee Street - Nick Cave & THe Bad Seeds

Le bon goût est par essence discriminant car son rôle est de nous doter aux yeux des autres d’une certaine prestance. Le bon goût est la mise en musique d’un feeling esthétique qui donnera en quelque sorte de l‘épaisseur à l‘image de nous que nous voulons renvoyer à la société. Il a donc vocation à montrer la direction du beau afin de se démarquer de la masse par des procédés distinctifs savamment entretenus. C’est flagrant dans le milieux de la mode, de la haute-couture et dans les milieux aisés qui en insistant sur la promotion de codes esthétiques qu’il est de mise ou chaudement conseillé de suivre, vont s’ériger en modèle, en maître à penser en matière de respectabilité de l‘image. Deux enjeux du bon goût apparaissent donc : L’évidence d’être connecté au monde par le biais de la mode et de vibrer ainsi avec lui au son du progrès et l’évidence d’un élitisme à l’inverse conservateur qui est celui de l’entre-soi social. 
On va ainsi miser sur des codes de langage, une manière de se tenir, des accessoires, des associations de couleurs, de textures particulières ou des mouvances artistiques pour dresser le paravent de l‘exception esthétique entre une communauté et le reste du monde ou de la société. La notion de beauté est donc très relative aux tendances de la mode qui sont influencées par des normes sociales qui évoluent. Dans les milieux aisés, c’est le même processus en moins rapide. Il faut ajouter à cela des signes de distinction supplémentaires, notamment chez la grande bourgeoisie, qui se renouvelleront exclusivement par rapport aux classes sociales les moins élevées : On remarque par exemple que la marque Gucci, après avoir été pendant des années sujette à la contrefaçon, n’est plus du tout en vogue.
Si le bon goût tire sa relativité du besoin d’être marqué du sceau des milieux autorisés pour être reconnu comme tel, quelques invariants se détachent. Non pas en terme de fonctionnement, qui est depuis toujours le même en raison de sa finalité, la distinction mais en substance. C’est ce qui donne à penser que la beauté a tout de même une grande part d’universel, et pour cause, la sensibilité est la même pour tous les êtres humains. 
La communauté du bon goût reconnaîtra donc les siens parmi ceux qui seraient les plus à-mêmes de se servir de leur sensibilité, et plus exactement de leur « feeling ». Mais si les critères du bon goût varient avec la société, ce n’est pas que parce qu’ils en émanent, mais aussi parce qu’ils constituent une appropriation par la sensibilité de cette société. Une adaptation à elle. Le processus est également inverse, et c’est pour cela qu’en tout temps, on peut globalement remarquer que des caractéristiques propres au bon goût apparaissent face à l’obscurantisme du peuple. Peuple dont la sensibilité n’aurait pas été éduquée par la beauté, qui, au même titre que la morale universelle, lui aurait montré le chemin de la vérité éternelle. Une sorte de réminiscence.
Ces caractéristiques du bon goût relèvent d’une attitude globale d’une personne que l’on peut nommer « élégance ». Il s’agit d’une aisance dans le rapport à soi, au corps et à l’environnement qui consiste à incarner avec intelligence sa propre personnalité tout en étant en adéquation avec ces trois éléments. L’élégance, c’est donc connaître sa nature profonde pour la faire raisonner en harmonie avec les particularités du monde, y compris et d’abord les siennes. Cela s’illustre parfaitement avec la notion de tact, qui est une forme de bon goût : En avoir nécessite une connaissance assez bonne de ce que l'on veut exprimer et de son environnement immédiat pour le faire avec subtilité et au moment opportun. 
En définitive, on peut dire que le bon goût va à contre-courant de cette époque. On peut le considérer comme étant viscéralement une valeur de droite dans le sens où il se tient raide comme un cap au milieu du brouillard relativiste de la facilité. Non la droite décadente, imbibée de son époque, dont le maître-mot est l’hédonisme, traduisez gloire et débauche. La vraie droite, chevillée à des valeurs faisant d’une société quelque chose de grand, sur le plan moral comme ici, esthétique. Au milieu du saccage des valeurs au nom du seul utilitarisme du plaisir, le bon goût est devenu l’une des seules boussoles que nous ayons à notre disposition. Dans cette époque d'apparat, il est devenu la seule façon reconnue de tous pour réaliser sa nature profonde en symbiose avec le monde. N'oublions pas que ce monde, c'est avant tout la nature brute. Wilderness. 
 
Récent Ancien Base