Eléments

lundi, octobre 20, 2014

♪ Deer & Fox feat. - Mimu ClarA moto


L’art est un accès de voracité qui consiste se saisir goulûment la matière pour lui imprimer le sceau d’un imaginaire lancinant ou dans un registre plus expérimental, pour la livrer à un tâtonnement vers le beau. L’art est façonnement des sens, mais façonnement moins rationnel qu’empreint de vitalisme ; Un flux énergétique s’acheminant vers la restitution ou la création ex-nihilo d’une mathématique harmonieuse par des éléments du sensible. Une démarche n’ayant en définitive rien de commun avec l’art plastique dit « contemporain », précisément parce que ce dernier n’est pas art : En tant que transposition dans la matière de concepts, il s’inscrit dans un renversement de la démarche de création artistique, qui a son point d’encrage dans le sensible, et non le rationnel. Seule la transposition elle-même est susceptible d’être qualifiée d’artistique, dans la mesure où elle peut relever d’une technè dictée par l’intuition du beau (ce qu’on appelle communément feeling), par opposition au pragmatisme.

J’insiste de plus sur la notion de sophistication et de complexité, par opposition à celle d’abstraction. Car l’art abstrait n’est pas à considérer à l’instar de l’art plastique conceptuel comme une sorte de porte fermée dont l’imagination permettant à une œuvre d’entrer en résonance avec la sensibilité n’aurait pas les clefs faute d’une inadéquation cognitive de nature, mais bien au contraire comme une porte grande ouverte vers la résonance en question. Tellement ouverte, même, en terme de limitation des connotations le caractérisant que l’on se noie pour ainsi dire dans l’indicible en plaquant sur l’abstrait de la signification qui nous est propre. L’art abstrait a fait peur en son temps d’un point de vue artistique comme éthique par sa dimension hypnotique assumée. L’art abstrait se présente ouvertement comme une volonté de neutralité cognitive accrue où l’inconscient est renvoyé à lui-même dans un effet miroir. Mais la beauté de cette contemplation de soi, comme tout ce que le talent recèle, s’inscrit par-delà la morale. Pourvu qu’elle soit rendue possible !


Cependant, l’idée de l’œuvre reste inspirée de la résultante d’une association d’idées logiques -bien souvent politiques par ailleurs, puisque le projet d’art conceptuel s’inscrit dans celui plus large de nivellement relativiste de la gauche post-soixanthuitarde consistant à renier la notion de talent pour dire que nous serions tous des artistes en puissance, une énième conséquence de la substitution idéologique de l’inné par l’acquis en définitive- et non soumise à la contingence sensible d’un imaginaire. Voilà d’ailleurs pourquoi l’art plastique « contemporain » requiert une myriade de justifications où puiser sa légitimité : sans contextualisation, il ne peut faire sens, les idées qu’il se propose de véhiculer par trop sophistiquées pour être transmises par le processus d’imprégnation d’évocations qui caractérise la réception d’une œuvre. En effet, des idées trop développées, dont les nervures réflexives sont pour ainsi dire trop fines, ne peuvent être ramassées en une œuvre plastique impliquant une approche directe, conformément au sens qu’elle mobilise, la vue exclusivement. Une rapport en fait d’œil à œuvre qui seule initiera ou non un abandon à celle-ci, au même titre que deux hommes scelleront un relation de confiance par le regard.
Récent Ancien Base