La religion est cette espérance nous donnant le culot de
faire le pari d’une force transcendante à la vie. Une force formatrice comme
point de départ donc promesse d’aboutissement, de perfection à l’issue d’épopées
palpitantes. Toute cette aventure de rédemption consiste à se familiariser avec
une nature humaine éprouvante car tiraillée par les instincts, la sensibilité
et la raison. Egoïsme, amour et morale. Elle consiste également à donner un
sens à la vie dans ses moments les plus sordides pour nous préparer à la mort,
douleur la plus vive, celle qui nous met face contre terre, nez à nez avec la plus
éclatante preuve de l’absurdité de notre situation, à savoir la finitude
humaine. Comme le pensait Lucrèce, il est aussi absurde de craindre la mort que
de redouter ce qui a précédé notre venue au monde, puisque la désubstantialisation
ne concerne par définition ni notre être, ni notre âme. Lorsqu’on parle de
religion, il s’agit donc d’une démarche qui cherche à éclairer les raisons du
monde tel qu'il est. Non pas en se proposant d’en comprendre les rouages, mais en enveloppant
l’ineffable de son état de fait dans des fondements métaphysiques, éthiques,
moraux ou esthétiques, autant de justifications d'une réalité qui par le seul
miracle de son existence, ne peut être que parfaite.
Mais ces fondements ne sont-ils pas inhérents à la vie ?
N’ont-ils pas pour vecteur commun la volonté éternelle de l’homme doté de
raison de vouloir mettre des mots sur ses intuitions ? N’ont-ils pas pour
vecteur commun la philosophie ? Cette quête d’absolu dans la légitimation
de son existence par l’homme puise ses fondements dans une sensibilité teintée
d’une douleur sourde. La crainte toute naturelle de ce qui adviendra de sa
peau. Ce n’est donc pas la religion qui redonnera du relief à un monde où tout
a désormais vocation à couler de source, où règne le confort dont parlait
Nietzsche, celui qui consiste à n’avoir ni trop chaud, ni trop froid.
Où il n'y a plus de grand
péril, plus d'enjeux. Dans ce monde d’ultrarationalisation, les libertés ne doivent
plus s'entrechoquer afin de garantir la poursuite des intérêts individuels de
chacun au nom de ce que l'on appelle "progrès". Ca n'est pas ma
vision du progrès. Je ne veux pas que ça soit "cool", je veux du
sang, des larmes et des effusions de joie.
Le sacré comme rempart au relativisme mortifère ne
puise pas sa force dans l’après de la religion, mais dans une régénérescence de
la vie, c'est-à-dire le courage des contrastes émotionnels. Des toujours dans le jamais. Des éclats de vérité dans la
tiédeur de choses bâclées, de personnes à moitié aliénées et de causes honnêtes
en théorie et glauques en pratique. Un absolu dans le relativisme.