Eléments

lundi, décembre 22, 2014

♪ Spare Room - bass Drumm Death

La question de la souveraineté d’un peuple repose d’abord sur le concept de restriction d’intermédiaires entre le peuple et les élites sensées trancher sur les questions que pose le vivre-ensemble. Pour qu’une élite soit légitime quant à l’exercice de ce rôle, elle doit non seulement être au plus près du réel, c'est-à-dire de la contingence des attentes des citoyens qui remettent la représentation et la mise en application de leurs intérêts entre ses mains, mais détenir les leviers de cette mise en application.
Pour ce faire, encore faut-il que cette élite soit en « connexion » perpétuelle avec ce réel qui non seulement a des particularités contextuelles, mais qui évolue. Car comme le constate très bien l’africaniste Bernard Lugan, il ne s’agit pas, à l’instar des ONG que d’appliquer des règles universelles de justice au réel, encore faut-il qu’elles puissent viser leur cible légitime. Or la connaissance de cette cible ne repose que sur des informations empiriques qui doivent être réactualisées constamment. Le « ciblage » devant également s’effectuer en adéquation avec des codes culturels et des croyances locales pour qu’une justice ne souffre pas de malentendu et ne manque pas d’incarnation. Ce qui implique une gouvernance « bien de chez nous ».
Quant aux leviers de pouvoir qui permettront la mise en application de cette politique de bon sens, il y a près d’un demi siècle que nous les perdons un à un au fil de la progression atlantiste initiée par le plan Marshall. Ce superbe cheval de Troie nous a d’abord dépossédé de notre culture, de notre ordre de valeurs : on y a substitué le libertarisme soixanthuitard, le multiculturalisme et désormais tout un tas de revendications de frustrés sexuels – Mais après tout, comment s’étonner que les Etats-Unis enfantent de tels monstres idéologiques niant ainsi le réel ? Ce phénomène est presque psychanalytique dans la mesure où l’assumer serait de l’ordre du génocide mental pour un peuple dont les repères se sont construits sur la destruction du peuple amérindien, l’esclavage ou encore l’expansion des multinationales ayant servi de colonne vertébrale à la constitution américaine.- Hégémonie atlantiste ayant également gagné notre modèle économique et par voie de conséquence notre modèle social pour maintenant s’attaquer officiellement à notre indépendance militaire face à la structuration des BRICS.
Voilà en quoi consisterait le rétablissement d’un vrai souverainisme. Ici s’entend un souverainisme profond, ne reposant pas que sur les notions superficielles voire même aseptisées de contrat social ou de républicanisme, qui, en plus de ne pas forcément convenir à un contexte politique donné n’ont jamais été suffisantes pour souder un peuple.
La justice émane bien d’une morale intersubjective, c'est-à-dire universelle du point de vue humain. Comme l’a si bien constaté Kant, ce génie, la doctrine « Agis de telle façon que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle de la nature » est applicable en tout temps et en tout lieu et c’est vérifiable empiriquement puisqu’elle repose sur une notion de symétrie du rapport à autrui que l’on peut retrouver à travers nombre de cultures, philosophies et religions différentes. Cette symétrie peut se traduire très simplement en ces termes : « Ne fais pas à l’autre ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. » La justice est donc applicable en tout temps et en tout lieu dans son rapport à autrui pris comme sujet rationnel digne de respect (et non à un proche, avec lequel un ordre de valeurs subjectif, propre aux relations interpersonnelles) en substance. En substance car la forme, la manière dont le principe de justice sera mis en musique n’a, contrairement à ce que prétend Rawls, pas vocation à découler d’un processus universel, car chaque peuple a sa manière culturelle particulière de le vivre. Les instruments qui présideront à l’application concrète de cette dernière devront être minutieusement choisis et maniés en fonction des fluctuations de l’histoire de ces peuples.
En deuxième lieu, ces instruments ne sont que des instruments ; Ils ne constituent pas une finalité, comme tout ceux qui passent leur temps à encenser la République veulent nous le faire croire, mais bien un moyen. Le moyen de structurer le vivre-ensemble d’un peuple et de réaliser ses ambitions, qu’elles se rapportent au domaine du rationnel comme du sensible, et c’est tout l’enjeu de cette époque. Car le tort des penseurs actuels de la neutralité politique comme Rawls n’a pas seulement été de plaquer sur une réalité changeante un unique modèle de mise en application de la justice, (formalisme) il a aussi été de faire de la politique quelque chose de purement rationnel, alors même que l’unité d’un peuple que ce modèle vise à conserver relève également d’une homogénéité culturelle et naturelle communes. Voilà en quoi un modèle de justice n’aura à ce titre pas à dicter à la réalité d’un peuple lui-même pris dans les contingences de l’histoire des principes qui se révéleront peut-être obsolètes demain, mais à s’adapter à elle en vue de perpétuer sa puissance.
La notion de « souverainisme profond » est également à considérer comme une incarnation au niveau macroscopique de la doctrine kantienne participant elle-même du respect de la biodiversité humaine. Il s’agirait donc bien de préserver cet ordonnancement mondial et initial de biodiversité naturelle en permettant des échanges entre les peuples dans le cadre d’intérêts variés tout en les limitant assez pour qu’ils n’interfèrent pas dans leur épanouissement respectif. Autant dire que la concurrence libre et non faussée imposée au sein de l’UE ou encore l’officialisation de l’assujettissement des états au secteur privé que nous réserve TAFTA sont aux antipodes du concept de souverainisme. Le colonialisme, comparable à une effraction qu’elle qu’en soit sa nature, serait également à proscrire à ce titre.
En résumé, le souverainisme profond est à considérer comme l’instrument théorique d’un principe de justice est universel libre d’appropriations politiques et culturelles diverses. Ce principe de justice est universel en ce que lui seul puisse garantir une coexistence respectueuse et loyale d’entités culturelles (peuples) en vue de la perpétuation de leur puissance respective elle-même garante d’un équilibre propre à une biodiversité humaine.


Le souverainisme pris en un sens général et non procédural et à géométrie constante, dans la mesure où il est consubstantiel à une politique localiste à l’écoute du réel, n’aura donc pas besoin du renfort de la démocratie pour pallier au risque de parasitage entre les intérêts d’un peuple et la mise en application du principe de justice par une élite. La connexion entre ces deux entités politiques est vouée à s’effectuer en ce qu’elle repose sur son caractère empirique ou devrais-je dire de justice incarnée. Que l’on ne s’y trompe pas : la vocation d’un pouvoir n’est pas de réinventer l’essence d’un principe de justice universel au grès des lubies d’un peuple. Celui-ci se révélant souvent plus attentif à des intérêts corporatistes voire même personnels qu’à ceux de la justice en raison d’une nature inéquitable et d’une impossibilité de démocratisation totale de la culture.
Récent Ancien Base